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21 juin 2021 1 21 /06 /juin /2021 14:43

J'ai récemment découvert le livre " Déportés, leur ultime transmission" de Karine Sicard Bouvatier, publié en 2021 aux éditions de La Martinière. J'ai également assisté à l'entretien par visioconférence organisé par le "Camp des Milles" avec l'auteur, sa fille, et Judith, notre amie parisienne.

Judith a aujourd'hui 95 ans et elle est, comme on dit, une "rescapée des camps". Elle avait 18 ans en 1944, quand elle a été déportée avec des centaines de milliers d'autres Juifs hongrois.

Et pour ce livre, elle a rencontré Théa, 18 ans aujourd'hui ... Car c'est le principe de ce livre, de faire se rencontrer d'anciens déportés avec des jeunes qui ont le même âge que le leur au moment de la déportation. Et ce sont donc 25 témoignages qu'il nous est donné de lire et dont il est parfois bien difficile de lire chaque mot ... Mais je m'aperçois que ce qui m'intéresse le plus ici ce n'est pas le contenu des témoignages, le récit trop bien connu désormais des douleurs et des atrocités, mais plutôt la personnalité des témoins bientôt appelés à disparaître.

Est-ce à cause du film "La vie est belle", que je viens de re-re-voir à la télévision ? Un film si touchant (que Judith a adoré d'ailleurs) dans lequel Benigni, ou plutôt Guido, arrive à convaincre son petit garçon que "tout ceci" n'est qu'un jeu à la conclusion duquel le gagnant aura droit à un vrai char d'assaut ... Mais eux, les "vrais" témoins, comment ont-ils fait pour tenir alors que tant d'autres sont morts à côté d'eux, y compris au retour des camps ?

C'est, bien sûr, une des questions que se pose l'auteure dans la préface à son livre : "Et puis qu'est-ce qui fait que l'on "tient", que l'on survit ? Un ami ? Une bonne santé ? Un mental d'acier ? Une parole, un regard ou un geste ? L'espérance de retrouver un proche, une femme, un homme aimé(e) ? Un rayon de soleil qui émeut ? Un poème de Victor Hugo ? L'amour reçu d'une famille unie et soudée pendant l'enfance ? L'amitié ? Une chanson ? La rage de vivre ? L'espoir ? Quelle est la part de chance ? Quel est le rôle de la foi ? " (page 10)

Rappelons-nous le film déjà cité : ce qui fait "tenir" Guido, c'est l'amour de son petit garçon qu'il veut absolument protéger de tout cela, mais c'est aussi celui de sa femme, enfermée dans un camp voisin, et à qui, une nuit, il diffuse une chanson "d'avant" en détournant le phonographe du camp ... Et Judith nous a dit plusieurs fois que sans la présence de sa mère à ses côtés elle n'aurait probablement pas survécu ... Le témoignage de Henri Borlant va dans le même sens : " L'amitié était capitale. Nous ne pouvions survivre seuls. Quand j'étais avec mon père et mon frère, c'était très précieux. Après, si nous n'avions pas été un petit groupe d'amis qui nous soutenions, nous n'aurions pas survécu. Il n'y avait pas de survivants isolés ..."(page 65)

Des êtres aimés donc, dont la présence rassure et encourage à vivre encore un peu, encore un moment, jusqu'au moment suivant ... Des rencontres aussi : Judith encore qui nous parle de ce "monsieur" qui, en novembre 1944, leur a conseillé, à sa mère et à elle, de se joindre à un groupe qui allait travailler en Allemagne, ceci afin d'échapper à une "marche de la mort" qui suivrait inévitablement l'évacuation du camp. Un coup de pouce, de la chance, c'est ce dont témoignent pratiquement tous ces survivants mais la rencontre, la chance, encore faut-il être capable de la vivre, de la saisir ...

Ce qui implique finalement de résister à l'enfermement en soi, au pessimisme, à l'indifférence qui vous gagne et vous ronge comme un cancer ... Résister pour rester ouvert à l'autre, pour être encore capable de recevoir et de donner, voilà ce qui a permis à ces femmes et ces hommes de survivre à l'horreur et voilà aussi le message qu'ils tiennent à transmettre aux jeunes gens qui sont venus les rencontrer ...

 

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