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18 juin 2009 4 18 /06 /juin /2009 11:13
Après un petit déjeuner frugal, balade dans Medias / Medgyes : comme presque partout, de beaux bâtiments ayant connu des jours meilleurs, une belle église (gâchée par une "gardienne" qui nous parla la bouche pleine...) et, à la sortie de la ville, soudain le flash ! soudain tout, la route et ses trous, les véhicules, de la Dacia hors d'âge à la motobylette pourrie en passant par les charrettes hippomobiles, la poussière, les gens de poussière, bruns, basanés, cuivrés qui attendent (cf J3) un véhicule, tout est semblable ... au Maroc ! Et nous sommes en Europe, ne l'oublions pas ! Ben oui, c'est ça l'Europe, aussi ...
Puis la route est belle jusqu'à Biertan / Berethalom. A nouveau la visite d'une très imposante (et parfaitement entretenue) église fortifiée

combien de murailles ? 3 ? 4 ? plus ? allez savoir !

à l'issue de laquelle nous rencontrons, en explorant le village, une charmante vieille dame qui se met à nous entretenir. Elle nous explique qu'elle est née là, et qu'elle est bien seule depuis que ses six enfants sont partis ailleurs pour gagner un peu d'argent. Mais elle ne se plaint pas, et ses yeux rient toujours :

Elle nous accompagne tout au long de la muraille et nous comprenons tout à coup qu'elle nous ramène à la porte d'entrée, croyant sans doute que nous n'avions pas encore visité ! Et en effet, parvenus devant la porte, nous dûmes essayer de lui expliquer que ce n'était pas le cas. Cela se passait plutôt bien, gentiment, quand une voix sèche est intervenue en roumain : "Fous-leur la paix, grand-mère ! Laisse-les tranquilles !" Cela parvenait d'une espèce de transatlantique sur lequel une femme déjà mûrissante était étalée, la bouche et les yeux durs. Elle vendait  des souvenirs. Apparemment elle en vendait très peu. D'ailleurs qui voudrait en acheter un à une femme comme celle-là ? Nous remerciâmes grandement la mère-grand, qui s'en fut son bonhomme de chemin. Après son départ, la marchande nous expliqua que "la vielle était un peu zinzin", ce qu'en notre for intérieur nous contestâmes absolument et sans recours, et nous ne pipâmes mot.
Puis encore une église à Malancrav / Almakerék. Pour visiter il faut aller chercher une dame en bas, dans le village, ce qui n'a pas l'air de l'enchanter. Elle monte toute la côte sans dire un mot, sa petite fille silencieuse sur les talons. A l'entrée nous retrouvons un groupe déjà côtoyé lors de la visite précédente. Nous suivons donc un même parcours. Il s'agit d'un couple, vraisemblablement des Allemands à la retraite, conduit par un de ces personnages comme on en découvre régulièrement quand on vit à l'étranger. D'une certaine manière ce sont des guides "locaux", encore que souvent ils viennent d'ailleurs. Métisses dans l'âme (et quelquefois dans la chair) leur principal souci semble être d'établir un pont entre les visiteurs et leur pays, un pont dont ils ont besoin pour être en paix. Quand on est touriste, on les voit autrement, peut-être comme des gens sympas, à qui un "coup de main" ne ferait pas de mal ? Quant à moi je m'interroge : sont-ils des petits malins qui s'en sortent plutôt bien, ou des losers qui peinent pour survivre ? Peut-être bien les deux, suivant le moment ...
Tout en roulant, nous cherchons vainement un endroit adéquat pour pique-niquer. La faim commence à monter ... Autant je trouve agréable de se réveiller en ayant faim, autant au-delà d'un certain seuil, on devient hargneux et bougon, et on se déteste ... La faim au ventre donc, nous arrivons brutalement à Sighisoara / Segesvár. Et là c'est le sketch du parking, bien connu de tous les voyageurs du "tiers-monde". Nous nous garons, chance, à l'ombre. Nous avisons un homme assez jeune, vêtu d'une tenue d'un jaune éclatant, qui court à tout véhicule arrivant. Nous nous disons que c'est le gardien, et nous attendons qu'il coure à nous également. Mais, même désoeuvré un court instant, il néglige ostensiblement notre présence. Je m'avance un peu, jusqu'à la hauteur du coffre arrière à peu près, comme pour lui signifier notre attente. Aucune réaction, il semble même s'éloigner un peu. Nous décidons alors de chercher quelque chose à manger, et nous partons. Quand nous sommes arrivés au bout du parking le gars me hèle dans le dos. Il me montre son carnet de tickets. Je reviens vers lui en mettant la main à la poche. Ses explications sont confuses, incompréhensibles, tellement il serre les dents. Pourquoi est-il aussi hargneux ? Aurait-il faim, lui aussi ? Et sera-ce si diffcile de trouver à se nourrir dans cette satanée ville ? Ou bien maudit-il ses parents de l'avoir enlevé de l'école à douze ans, ce qui l'a empêché d'apprendre l'anglais ? Devient-il fou en voyant tout le fric qu'il encaisse, comparé à la misère qu'il gagne ? Quoi qu'il en soit je raque, car quand il s'agit de payer on finit toujours par se comprendre.
D'ailleurs à Segesvár, il faut payer partout, pour visiter et pour prendre des photos. Je ne suis pas bien certain d'être d'accord avec cette politique : quel "droit d'image" peut-on avoir sur un monument ? De toutes façons, on n'était pas de bonne humeur, du coup on a pas payé et on a pas de photos, na ! ou alors pas beaucoup ...
une des seules : celle de la sortie !

Puis c'est l'entrée au pays sicule, ou des Sicules, du nom de ces fiers guerriers chargés de défendre les marches du royaume de Hongrie contre toutes les tentatives d'invasion, et il y en eut ! Du coup les puissants du pays ne payaient pas d'impôt mais ils devaient lever et entretenir une armée. Leur grand héros est le roi Ladislas qui, lui-même, ne faisait pas dans la dentelle ...


Or doncques, tel que vous pouvez le comprendre par la Très Véridique histoire qui vous est contée ci-dessus, il advint qu'au royaume de Ladislas un barbare, un malpoli, un rustre enlevât une jeune vierge qui n'était pas d'accord. N'écoutant que son devoir sacré (ou ses testostérones, les versions ici varient) Ladislas enfourcha sa monture et s'en fut à la poursuite de l'ignoble, qu'il rattrapa bientôt près d'un château en train de s'écrouler, à moins que ce ne fût symboliquement celui de l'ignoble ? Ladislas l'escagassa, l'épastrouilla, bien aidé en cela par la jeune vierge qui maniait fort bien la hachette, ma foi. A l'arrière-plan les deux chevaux, même celui de son maître, riaient beaucoup. Pour la remercier, Ladislas lui offrit la gorge de l'ennemi, qu'elle trancha d'un coup ferme et sans arrière-pensée.
Edifiant, n'est-ce pas ? D'autant que c'est sur le mur d'une église, celle de Mugeni / Bögöz, qu'on trouve cela, sur le mur nord pour être précis, celui qui restait toujours aveugle car dédié au diable. Hardi les petits ! Sus à l'infidèle ! Dieu reconnaîtra les siens ! Saint Ladislas aussi ! toujours la même vieille ritournelle ... the same old story ...
Le curé est très gentil et un peu coquin. Il n'arrête pas de sortir des blagues un peu salées (je veille à ce que Ma Douce me les traduise toutes) et je crois qu'émoustillé par cette belle présence féminine, il en rajoute un peu. C'est un homme simple, que nous avons trouvé en train de tirer une charrette pleine d'herbe en arrivant, un homme qui aime la vie, ça se voit, et qui veille débonnairement sur un petit trésor :
balcons peints du 18ème siècle
et un plafond entièrement peint, de la même époque  ...
heureusement, il n'est pas seul pour veiller sur tout ça !

Pour la nuit, et sur le conseil du malicieux curé, nous nous sommes arrêtés un peu plus loin, à Taureni / Bikafalva, dans une panzió "agroturistica" toute rose, et un peu chère ...
Allongé sur le lit, j'ai jeté quelques notes sur le papier, j'ai fait le compte deux fois et j'ai dit à Ma Douce : "Ecoute, Bébé, si je ne me trompe pas, on a visité pas moins de 6 églises aujourd'hui, je ne suis pas sûr de tenir longtemps à ce rythme-là !" Elle m'a promis de faire un effort et c'est pourquoi  vous verrez (un peu) moins d'églises dans les pages suivantes ...


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commentaires

M
Köszönöm szépen - multumesc (le seul mot roumain que je connaisse) - merci bien<br /> Passionnant comme d'habitude!<br /> Et pour les églises, cela vous sera difficile de les éviter, et d'ailleurs le voudriez-vous vraiment, car je crois savoir qu'il y en de très belles, petites mais on peut dire chefs-d'oeuvres; alors un conseil: laissez-vous mener par votre Douce -:)) rien que pour les photos à nous offrir! Előre is köszönöm.<br /> Merci d'avance pour la suite!
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