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4 mai 2020 1 04 /05 /mai /2020 23:21

Et voilà, je suis arrivé à la fin du "Cri de la taïga" ... Un gros bouquin de 700 pages, comme je vous le disais dans un article précédent ( budablog.over-blog.com/2020/04/un-hongrois-au-goulag.html ), écrit aux environs de la centième page de lecture, à un moment où je n'étais vraiment pas certain d'aller jusqu'au bout. Bon, c'est vrai qu'un confinement ça aide bien dans ces cas-là mais ce n'est pas la seule raison qui m'a poussé à continuer ma lecture : en fait, plus je progressais dans le livre et plus j'appréciais de retrouver "le Civil" et de partager ses aventures, ses espoirs et ses déconvenues, et surtout ses réflexions ...

Car en effet, après avoir survécu à sa cellule de condamné à mort, à l'hôpital-prison, aux différents camps sibériens, le Civil (et avec lui le Forçat) est libéré le 7 août 1950, cinq ans jour pour jour après être tombé dans le guet-apens de l'ambassade soviétique de Budapest. Normal, après avoir été condamné à mort, sa peine avait été ramenée à cinq ans ... Une bureaucratie qui fonctionne donc, et qui atteint son homme jusqu'au fond de la taïga sibérienne. Oui mais voilà (et là je ne suis pas sûr d'avoir tout compris) comme sa mort a été annoncée officiellement en 1948, il perd à la fois son passeport et sa nationalité hongroise sans pour autant pouvoir bénéficier de la glorieuse nationalité soviétique. Le voilà donc libre, oui, mais sans autre document officiel qu'un méchant petit livre gris : "carte d'identité d'apatride" ... Très insuffisant pour voyager jusqu'en Hongrie, bien sûr, et le voilà donc contraint de s'établir dans le village voisin du camp de Borzass, pour y exercer pratiquement la même activité de déboisement. Si ce n'est qu'en temps qu'homme "libre" (qui doit quand même pointer chaque samedi au bureau du lieutenant de police) il lui faut se débrouiller tout seul pour se loger et se nourrir ... Et cela va durer encore dix ans, dix ans avant qu'il ne puisse revoir la Hongrie de 1960.

Dix ans au cours desquels il va faire son chemin tant bien que mal, jusqu'à devenir un travailleur exemplaire, reconnu et glorifié, obtenir la glorieuse citoyenneté soviétique, vivre en couple avec Valentina, Sibérienne douce et aimante, retrouver Gyuri, un jeune paysan hongrois qui semble beaucoup mieux intégré que lui. Car en effet, il réfléchit beaucoup, le Civil, et année après année il se sent toujours aussi étranger parmi les gens où il a été amené à vivre. Beaucoup de réflexions souvent intéressantes, sur l'exil, sur "l'âme russe", sur le lien à la terre natale, et quelquefois touchantes quand il assiste, de très loin, à la révolution de 1956 ... Mais le Forçat ?, me direz-vous. Bien sûr, en dehors du bagne, il perd un peu sa raison d'être. Il n'empêche qu'on le sent toujours là, prêt à pointer le bout de son nez, en particulier quand la situation devient dangereuse. Plus étonnant, alors que tout le livre est écrit à la 3ème personne, à celle du Civil, on découvre presque à la fin du livre un passage à la 1ère personne ! Est-ce parce que l'auteur parle au vieux qu'il a rencontré dans le train du retour ? Exemple (page 694) : "Même maintenant je n'arrive pas à déceler quand vous maudissez Staline et quand vous lui pardonnez les milliers de morts. Et cela indépendamment du fait que vous ayez une carte du parti dans la poche ou non. Le secret est caché au plus profond. Là où Batiyouchka (un prêtre orthodoxe) et le secrétaire du parti voient le monde de la même façon. Cela a commencé il y a des millénaires et se loge dans votre sang : c'est vous qui donnerez un nouveau messie au monde."

Et si l'on fait un peu attention aux derniers développements de la politique russe on peut se dire qu'il y a encore du vrai dans tout cela ...

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